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18 août 2010 3 18 /08 /août /2010 09:13

Le 25 août 1944, à 16 heures, le général Dietrich von Choltitz, gouverneur allemand de Paris, qui s'était rendu, deux heures auparavavant, au soldat espagnol Antonio González, signait la capitulation nazie devant le général Leclerc et le colonel Rol-Tanguy. Paris était libéré. Le rôle qu'y jouèrent les résistants étrangers, et en particulier les républicains espagnols, sera-t-il oublié au cours de la commémoration de cet événement ?

Lanuevelogo sParis est en armes. Paris se bat. Paris a besoin de secours, car la trêve a été rompue pour que les Allemands n'en tirent pas un profit stratégique. Le colonel Rol-Tanguy envoie le commandant Gallois informer les troupes alliées de la situation et convainc le général Leclerc d'accélérer la progression de sa 2e division blindée - la célèbre " 2e DB " - vers Paris.

Leclerc confie cette mission à la 9e compagnie de blindés, commandée par le capitaine Raymond Dronne. Elle est entièrement composée d'anarchistes espagnols. On y parle le castillan. Dans ses Carnets de route (12), le capitaine Dronne évoque le courage de ses compagnons d'armes auxquels le général Leclerc vouera une admiration constante.

Les premiers détachements de la 9e compagnie entrent dans Paris par la porte d'Italie à 20 h 41, ce 24 août. C'est le char Guadalajara qui franchit le premier les boulevards extérieurs - Guadalajara, du nom d'une victoire républicaine sur les volontaires mussoliniens, alliés de Franco. " Guadalajara no es Abisinia (13) ", disait une chanson de l'époque. A 21 h 22, chars et half-tracks se garent place de l'Hôtel-de-Ville. Cent vingt Espagnols et leurs vingt-deux véhicules blindés sont accueillis en libérateurs. Une foule en liesse les entoure. On leur demande s'ils sont américains. On se surprend de les entendre parler en espagnol. Leurs chars portent les noms de batailles de la guerre d'Espagne - Ebro, Teruel, Brunete, Madrid - mais également celui de Don Quijote ou de Durruti, le chef anarchiste.

Les défenseurs de l'Hôtel de Ville sont ainsi libérés. Depuis cinq jours, retranchés dans le bâtiment, ils résistaient aux assauts allemands. Les Espagnols installent un canon à l'intérieur de l'édifice : ils le baptisent Abuelo (grand-père). On se congratule en attendant les renforts. Amado Granell, lieutenant de la 9e compagnie, est reçu par des membres du Conseil national de la Résistance, présidé par Georges Bidault. Entre-temps, Leclerc avec le reste de sa 2e DB fonce sur Paris. Il n'y entrera que le matin du 25 août.

Les jours suivants, les combats s'accentuent. Charles Tillon affirmera que les Espagnols sont passés maîtres dans les combats de rue. Il songe aux partisans qui ont rejoint les Forces françaises de l'intérieur (FFI). Il surestime leur nombre à Paris. En 1946, préfaçant un livre sur le groupe Manouchian, Tillon évalue leurs effectifs à 4 000, chiffre qu'il reprendra dans Les FTP (14). Manuel Tuñon de Lara, historien espagnol, est plus prudent.

guadalajaraLes combats achevés à Paris, Rogelio Puerto, avec ses détachements espagnols des FTP, de l'Union nationale espagnole ou du PCE, rallie la caserne de Reuilly - où le responsable de la MOI, Boris Holban, fusionne les brigades d'étrangers au sein d'un bataillon dénommé " Liberté ". On y trouve des Italiens, des Polonais, des Arméniens et des évadés soviétiques. Les Espagnols constituent le plus fort contingent : on en dénombre 500 qui se sont battus dans les rues de Paris, à la Concorde et devant l'Assemblée nationale, place de l'Etoile, à l'hôtel Majestic, siège de la Gestapo, place Saint-Michel, rue des Archives, place de la République... Plusieurs dizaines d'entre eux mourront au cours des affrontements - José Baron, par exemple, organisateur des regroupements de guérilleros en 1944, tombe place de la Concorde.

Avec sa 9e compagnie, la 2e DB de Leclerc poursuivra son offensive vers l'Allemagne. Les Espagnols participeront à la libération de Strasbourg, où périt le lieutenant-colonel Putz, volontaire des Brigades internationales, " au milieu de ses républicains espagnols ". Ils pousseront jusqu'à Berchtesgaden, le quartier général de Hitler dans les Alpes de Bavière, où le Führer avait reçu Mussolini et Laval. Combien d'Espagnols reste-t-il pour arpenter le nid d'aigle du dictateur nazi ? Ils ne sont plus qu'une poignée.

Partis du Tchad trois ans auparavant, ils étaient des milliers de volontaires à vouloir combattre le Reich hitlérien, allié du fascisme espagnol. Ils avaient un rêve chevillé à l'esprit : revenir en vainqueurs en Espagne, avec l'appui des Alliés. Espoir trahi. Car Franco est demeuré au pouvoir jusqu'en 1975. Et la France, pour laquelle ils versèrent leur sang, les a oublié.

Texte de Denis Fernandez Recatala

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