Hommage rendu au colonel Willy CHAVE par le général de corps d'armée Denis SERPOLLET au cours des obsèques qui se sont déroulées à la cathédrale de Valence.
Aujourd’hui, au-delà de l’émotion générale ressentie par tous, l’ensemble du monde combattant de la Drôme est en deuil, quels que soient l’origine, le statut ou l’âge de chacun de ses membres, car l’une de ses figures les plus emblématiques, le colonel Willy CHAVE, vient de nous quitter à l’âge de 85 ans, après une vie particulièrement intense et bien remplie, au service, pour une grande part, de notre patrie et de ses concitoyens.
André PETIT, le président des FFI de la Drôme, saura, mieux que moi, vous parler de manière plus intime de son ami et de son compagnon de combat. Mais, dans un premier temps, permettez-moi, en tant que représentant de l’Ordre national de la Légion d’Honneur, de rendre hommage au colonel Willy CHAVE en retraçant devant vous les grands moments de la vie de ce grand soldat, Grand Officier de la Légion d’Honneur.
Cette vie peut se résumer en trois périodes, inégales dans leur durée, mais toutes vécues avec la même intensité, la même volonté d’aboutir et le même courage.
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La première période est celle de la guerre de 39-45 et de la Résistance. Période déterminante pour le jeune Willy CHAVE, car c’est là que va se révéler ce caractère exceptionnel. Né le 9 mai 1925, à Portes lès Valence, dans une famille de cheminots, Willy CHAVE n'est en effet encore qu’un gamin à la déclaration de guerre. Mais, voisin de la famille LADET et encouragé par son père René qui lui dit « Mon petit, il faut y aller » « le devoir est là », il comprend vite où son destin l’appelle et rejoint la Résistance, en février 1943, à l'âge de 17 ans, au sein du corps franc René LADET, dit « Jeannot », son copain du quartier des Chalets à peine plus âgé que lui. Dans cette unité, « Georges », son nom de guerre, participera notamment à une quarantaine de sabotages de voies ferrées, à la destruction de matériels utilisés par l'occupant et surtout, au déraillement de trois trains de permissionnaires allemands transportant des soldats et du matériel de guerre.
Puis, vinrent les combats de la Libération où, à partir du 6 juin 1944, le corps franc LADET fut rattaché au régiment des FFI de la Drôme pour devenir la 8°compagnie, commandée par René LADET. Willy CHAVE est nommé chef de la 1°section avec le grade de sous-lieutenant FFI. Installée au plateau Marquet à Combovin, la section du sous-lieutenant CHAVE participe à de nombreux combats et, notamment, au sein de la compagnie KIRSCH, à la Libération de Valence le 31 août 1944.
Si la brillante citation obtenue par Willy CHAVE, avec attribution de la croix de guerre 39/45, lors des opérations des 23 et 24 juillet 1944 à Combovin, le présente comme, je cite « jeune officier, modèle de calme et de courage », je ne peux m’empêcher de vous lire celle obtenue, le 4 avril 1944, c'est-à-dire avant le débarquement et la mobilisation du Vercors, qui illustre encore mieux son comportement et son état d’esprit : « Jeune officier, modèle de cran et de sang-froid, s’est signalé par son courage et son mordant au cours de nombreuses opérations de guerre contre l’ennemi. Et, notamment, le 4 avril 1944 sur la route de Romans à Saint Jean en Royans, chargé de protéger avec trois de ses camarades, un camion conduisant au maquis douze nouvelles recrues, est tombé dans une embuscade tendue par un ennemi supérieur en nombre et fortement armé. Après un combat où l’ennemi eût deux tués, a réussi à évacuer les recrues et ramener le camion au maquis. ». Cran et sang-froid, courage et mordant au combat, tout est déjà dit sur ce soldat d’élite et sur l’officier exemplaire qu’il est en train de devenir.
Après la Libération, la compagnie est intégrée au régiment de la Drôme, puis ensuite au 159e RIA, participant aux opérations sur le front des Alpes, notamment en Maurienne et en Alsace... Le 8 mai 1945, jour de la victoire, trouvera les volontaires Drômois du 15.9 à Suze, dans le Val d’Aoste en Italie, et Willy CHAVE connaîtra, ultime récompense, l'occupation de l’Autriche jusqu’en 1946.
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Commence alors pour Willy CHAVE une deuxième période de sa vie, celle de soldat de métier au service de son pays. Devenu sous-lieutenant d'active après une formation à l'Ecole Militaire d’Aix en Provence de mai à novembre 1946, il effectue deux séjours en Indochine de 30 mois entre 1947 et 1954, au 2ème Régiment de Tirailleurs Algériens dans un premier temps, puis comme chef du Groupe Autonome des Escadrilles Fluviales Vietnamien n° 3. Outre une blessure, il y obtient six citations avec attribution de la croix de guerre TOE, dont l’une à l’ordre de l’armée qui lui vaut d’être nommé, le 16 mai 1954, sur le terrain et au feu, Chevalier de la Légion d’honneur à 29 ans.
A chaque fois, ce sont les mêmes éloges qui apparaissent : « Officier d’une bravoure et d’un dynamisme exceptionnels qui se distingue à chaque opération », ou encore : « Officier qui utilise au mieux ses solides connaissances militaires et qui fait preuve en toutes circonstances d’un courage remarquable et d’une rapidité de jugement lui permettant d’exploiter au mieux toutes les situations. ». Intelligence, courage, détermination, sang-froid, décidément Willy CHAVE était un chef, un véritable meneur d’hommes, doué, comme l’on dit, des plus belles qualités militaires.
Rentré d’Indochine en 1954, cet officier, toujours volontaire, reprend du service dès 1956 en Algérie jusqu’en 1963, pour deux séjours de 30 et 32 mois, au sein du 17ème Bataillon de Tirailleurs Algériens, puis du 1° Régiment de Tirailleurs Algériens. A la tête de sa compagnie, il y obtient, là encore, quatre citations avec attribution de la croix de la Valeur Militaire et est marqué une nouvelle fois par une blessure. « Toujours à la pointe du combat », « Commandant de compagnie qui s’est toujours fait remarquer par son courage au feu », « possède un sens tactique aiguisé », Willy CHAVE est devenu un redoutable combattant et un chef hors pair.
Enfin, vient le temps de l’apaisement. Il est d’abord affecté en 1964 à l'Etat-major de la Subdivision de la Drôme. Puis, en 1966, il est désigné pour former le 75ème Bataillon d'Infanterie à la Caserne Baquet à Valence, qui deviendra le 75°RI, et dont le drapeau de l’amicale des anciens de ce régiment historique de la Drôme, ainsi que plusieurs de ses membres, sont ici présents.
Dernière ligne droite de sa vie militaire, le colonel Willy CHAVE sert à l'Etat-major de la 51°Division Militaire, à Lyon, comme chef du 3ème Bureau de 1968 à 1974, puis prend une retraite anticipée, en 1974, avec la satisfaction du devoir accompli sanctionné par la cravate de Commandeur de la Légion d’honneur, 13 Citations, trois croix de guerre, de nombreuses autres décorations et deux blessures au combat. Que rajouter à de tels états de service !
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Débute alors pour lui et sa famille, la troisième période de sa vie qui sera dominée par la solidarité avec le monde combattant et associatif.
Directeur départemental de la Prévention Routière pendant 16 ans jusqu’en 1991, il sert dans les réserves jusqu'en 1986 et exerce des fonctions importantes dans plus d'une dizaine d'associations militaires ou à caractère patriotique.
C’est ainsi qu’il va présider pendant près de trente années, jusqu’en 2006, avec la combativité qu’on lui connait, la Section de la Drôme de la SOCIETE d'ENTRAIDE DES MEMBRES de la LEGION D’HONNEUR, aidé dans cette tâche par le Médecin Colonel ANDRE. Devenu président honoraire, il restera très attaché à cette institution.
Président d’honneur de la section Rhin & Danube de Valence, il fait partie en 1984 des fondateurs de la Fédération des FFI de la Drôme, dont il est président délégué.
En 1989, il crée l’association des Cadres de la Protection Civile.
En 1989 encore, il donne, avec le président Marcel BESSIERE, un nouvel élan à la section de la Drôme des Combattants Volontaires, en sommeil depuis près de 40 ans. De 17 adhérents au départ, la section de la Drôme en comptera plus de 100 en 1994 et plus de 400 en 2008 après que le colonel CHAVE eut succédé à Marcel BESSIERE à la présidence de la section en 1995. Il était encore le président en exercice au jour de son décès.
En m’adressant maintenant directement à vous, mon colonel CHAVE, je sais que je m’adresse à un grand soldat devant qui je m’incline avec déférence. Entre toutes vos qualités, je voudrais souligner votre force de caractère, peu commune, qui a été le dénominateur commun des trois périodes de votre vie que je viens de rappeler. Cette détermination, cette volonté d’aboutir, dont vous avez toujours fait preuve au combat comme au sein de vos différentes associations pour favoriser l’entraide et la solidarité, forcent l’admiration et ont fait de vous l’une des personnalités de la Drôme les plus connues et les plus respectées.
En novembre 2008, la Nation a reconnu l’ensemble de vos mérites et vous a rendu un hommage officiel en vous élevant à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur. Vous avez été décoré par le président de la République dans la cour d’honneur des Invalides.
Votre épouse Natacha, votre fille France, vos petits-enfants Cécile et Mathieu, vos arrières petits-enfants Eden et Chanel, à qui je présente mes condoléances attristées, peuvent être fiers de vous. Que de chemin parcouru et quelle vie bien remplie !
Je vais laisser le soin au général de Lassus de Saint Geniès, ce chef des FFI de la Drôme que vous respectiez tant, de conclure cet hommage. Il écrivait en 1989 : « De cette période 1944-1945, je garde tant de souvenirs. J’ai eu la chance de commander ces merveilleux citoyens-soldats de la Drôme, tous volontaires, bien décidés à faire disparaître l’humiliation de l’année 1940. Leurs morts ont jalonné le chemin de la liberté et mon honneur est d’avoir accompagné jusqu’à la victoire ces hommes qui se sont battus pour l’amour de la France ».
L’amour de la France… Voilà sans aucun doute, mon colonel, l’idéal qui vous a guidé tout au long de votre vie. Cet idéal, je crois pouvoir le dire, nous le partageons tous, ici, qui sommes venus vous rendre un dernier hommage, mais, par votre engagement farouche, par votre force de caractère indomptable, par votre volonté infatigable, vous resterez pour nous tous, et, je l’espère, pour la jeunesse de notre pays, un exemple à suivre !
Soyez-en remercié. Votre tâche sur terre aura été accomplie « au-delà du possible », selon la belle devise d’un régiment parachutiste prestigieux. Il me reste à vous souhaiter de reposer en paix ! Vous l’avez bien mérité.
Général de corps d’armée (2s) Denis SERPOLLET
Président de la section SEMLH de la Drôme
Valence - Le 25 octobre 2010