DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE Voeux aux armées Vannes – Vendredi 8 janvier 2010
Messieurs les Ministres, Messieurs les Officiers généraux, Mesdames, Messieurs, Au cours de l’année écoulée, nous avons partagé des joies et des réussites pour nos armées, nous avons aussi connu de durs et douloureux moments. Je pense aux 21 militaires français qui ont fait don de leur vie à notre pays cette année. Je m’incline devant leur mémoire, comme je l’ai fait dans la cour des Invalides le 30 novembre dernier. Je pense aussi à nos blessés : à ceux que je viens de saluer, et à ceux que leurs blessures tiennent encore éloignés de leurs frères d’armes et de leurs proches. Je leur souhaite de se rétablir rapidement et je veux leur témoigner mon admiration pour leur courage, dans l’action comme devant la souffrance. Pour présenter mes voeux à nos armées, j’ai souhaité revenir dans ce quartier Foch-Delestraint qui a vu cette année un « Grand Trois » particulièrement éprouvé. Sachez que la Nation est unie autour de vous, dans les bons comme dans les mauvais moments. Mes pensées vont aux familles meurtries par la disparition d’un proche, et pour qui ce début d’année marque le début d’une vie sans un père, sans un fils, sans un frère, sans un mari, sans un fiancé. J’imagine ce qu’est la douleur pour ces familles et je veux leur dire que nous n’oublierons pas ceux qu’ils pleurent aujourd’hui. Nous avons le devoir de ne pas oublier le sens de leur engagement : servir la patrie au péril de sa vie. Chaque soldat assume le risque encouru par cet engagement. Et comme chef des armées, j’assume personnellement la responsabilité de votre engagement. Je n’engage jamais nos forces à la légère et tous les hommes que j’envoie au combat doivent pouvoir revenir. La qualité de nos armées, leur entraînement, leurs équipements, la valeur de notre commandement, sont autant d’atouts pour parer aux manoeuvres de l’adversaire et aux circonstances par définition imprévues. Je sais bien que le risque existe toujours, quels que soient nos efforts pour le diminuer. Nous devons l’admettre, sauf à renoncer pour toujours à défendre notre pays et les valeurs qui le fondent. Ce risque c’est le prix de l’héroïsme militaire. C’est lui qui fait de votre métier, le métier des armes, un engagement à nul autre pareil, c’est lui, le risque, qui distingue les faits d’armes des faits divers. Si j’ai tenu à revenir à Vannes, c’est pour témoigner la reconnaissance que la Nation porte à nos soldats déployés sur les théâtres d’opérations. En ce moment, vous êtes 10 000, 10 000 soldats de l’armée française à travers le monde, sous le commandement du général GEORGELIN, chef d’Etat-major des armées, 10 000 qui défendent nos 2/4 valeurs, qui défendent la paix et qui défendent la sécurité internationale. Cet engagement est à la hauteur des responsabilités qui incombent à la France, pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est le prix du sang. Mais cet engagement s’accompagne de deux exigences fondamentales : nos soldats sont toujours engagés conformément aux intérêts de la France et toujours dans le respect de la légalité internationale. Et dès que les conditions le permettent, il est de mon devoir de faire rentrer nos soldats à la maison, comme ce sera bientôt le cas, je l’espère, pour nos troupes en Côte d’Ivoire et au Kosovo. Mais lorsque les circonstances l’exigent, mon devoir de chef des armées est de maintenir nos soldats à leur poste, comme c’est le cas aujourd’hui en Afghanistan, où les conditions du retrait ne sont pas réunies. Nous devons continuer à aider les Afghans jusqu’à ce qu’ils soient en mesure d’assumer seuls leur sécurité et leur développement, dans le cadre d’un pays souverain, stable, en paix, acteur du dialogue international. C’est pour cela que nos soldats sont présents en Surobi et en Kapisa, aux côtés de l’armée afghane. C’est pour cela que nous venons d’envoyer des gendarmes qui contribueront à la formation de la police afghane. Cette mission, nous l’assumons avec nos alliés, dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies. C’est le signe que la France joue pleinement son rôle dans la défense de la paix et du droit international. En témoigne également le fait que notre pays ait repris toute sa place au sein du commandement intégré de l’Alliance atlantique, car l’Alliance atlantique est notre alliance et la France y fait valoir une vision européenne. Celle d’une Europe qui s’affirme aussi dans le domaine de la défense, d’une Europe qui se donne une véritable capacité d’action dès lors qu’elle en a la volonté politique, comme l’illustre l’opération ATALANTE dans la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, où l’armée française s’est distinguée avec beaucoup de bravoure. D’une Europe enfin à qui le Traité de Lisbonne offre de nouvelles perspectives pour qu’elle assume un rang conforme à sa puissance économique et technologique. A travers vous, je m’adresse à toutes les formations qui composent nos armées, à vos frères d’armes engagés dans ces opérations lointaines, aux marins, aux aviateurs qui mettent en oeuvre notre dissuasion, à tous les militaires qui concourent sur le sol national à la sécurité des Français. Je n'oublie pas non plus l'ensemble du personnel civil de la défense sans lequel nos armées ne pourraient pas fonctionner. Vous transmettre mes voeux pour cette nouvelle année, Mesdames et Messieurs, ce n’est pas seulement un rite, c’est chercher à retrouver ensemble le sens de notre engagement, ce large dessein que, souvent, nous ne voyons plus assez derrière la fragmentation des tâches et le fil des jours. Cette continuité qui façonne, année après année, la puissance de notre pays, vous en êtes l’illustration, vous en êtes porteurs. Je veux vous remercier du magnifique travail que vous avez accompli cette année et particulièrement, je le dis en remerciant votre ministre Hervé MORIN et bien sûr également à ses côtés Hubert FALCO. Vous avez accompli un travail en faisant preuve d’une grande capacité à porter les réformes que je vous ai demandées. Ces réformes préparent l’avenir sans faillir aux actions que commande le présent. Vous vous êtes engagés, je le dis au Général GEORGELIN, sur cette voie avec loyauté, avec rigueur et avec énergie. Nous allons continuer cette année encore dans cette voie de la réforme, avec la création de 7 nouvelles bases de défense, qui s’ajouteront aux 11 bases de défense expérimentées dès 2009. Cette nouvelle organisation sera généralisée dès 2011. Mesdames et Messieurs j’entends les interrogations, les inquiétudes sur la nouvelle organisation du soutien notamment. Mais je tiens à le rappeler : ces réformes sont nécessaires car elles permettront de renforcer l’équipement de nos forces et d’améliorer la condition militaire conformément aux orientations arrêtées dans le cadre du Livre Blanc et intégralement traduites dans la loi de programmation militaire du 29 juillet 2009. Vous avez consentis de gros efforts, et vous l’avez fait avec le sens de l’intérêt général qui vous caractérise, mais ce sont des efforts partagés par la Nation tout entière parce qu’en ces temps de difficultés économiques, en tant que chef de l’Etat et chef de l’Armée, j’ai fait en sorte que nous ne 3/4 renoncions à aucun de nos engagements pour doter la France de la défense digne d’une puissance soucieuse de tenir son rang. En témoigne la réalisation du budget 2009 : c’est la première fois – la première, et je parle sous le contrôle des Présidents des commissions de défense à l’Assemblée et au Sénat – c’est la première fois que les opérations extérieures ont été intégralement financées sans obérer les crédits d’équipement des armées. Depuis bien longtemps je fais de la politique, depuis bien longtemps j’entends que l’on demande cela. C’est fait. Cela ne devait pas être si facile de le faire puisque c’est la première fois. En 2009, grâce à un effort financier sans précédent prévu dans le Livre blanc, grâce aux économies permises par la réforme et recyclées, 20 Milliards d’euros ont été engagés pour l’équipement militaire, c’est un chiffre historique que nos armées n’ont jamais connu. Je veux une armée française équipée aux meilleurs standards du monde. Je le dois à vos familles pour la sécurité de nos soldats. Le budget 2010 qu’Hervé MORIN vient de présenter est lui également intégralement conforme à la loi de programmation militaire. Ces efforts ont des traductions concrètes : les nouveaux matériels qui sont arrivés cette année dans les unités. Grâce à eux, nos soldats vont gagner en sécurité, en mobilité, en efficacité. Je pense aux premiers hélicoptères Tigre, aux 14 Rafale, à la centaine de véhicules blindés de combat d’infanterie, aux véhicules blindés légers, au nouveau canon CAESAR, au satellite HELIOS II B, dont le lancement renforce nos capacités dans un domaine que nous devons encore développer, qui est la fonction stratégique « connaissance-anticipation ». De même, les efforts déployés pour soutenir nos exportations de matériels d’armement portent leurs fruits. Ils préservent des emplois en France ; ils contribuent également au maintien de capacités scientifiques, techniques, industrielles, stratégiques pour notre pays. Cet effort, je le continuerai. Nous devons avoir une armée française aux meilleurs standards. Je le dis d’ailleurs aux élus qui sont ici. L’armée française est en charge de la sécurité des Français, pas de l’aménagement du territoire. Même si c’est difficile, mon devoir, c’est de dire la vérité. Trop longtemps, on a fait jouer à nos armées un rôle qui n’était pas le leur. Et je le dis notamment sur la carte d’implantation des bases militaires. Comment voulez-vous que nous gardions la même carte d’implantation des bases militaires avec une armée de professionnels, que la carte qui existait au moment de la conscription ? Qui peut penser à cela ? Et en tant que chef des Armées, je dois vous mettre dans les meilleures conditions pour faire votre travail. Alors bien-sûr que l’aménagement du territoire est un problème, une question. Mais si l’on demande aux armées de faire de l’aménagement du territoire alors, on ne lui donne pas les meilleurs moyens pour remplir sa mission au service de la sécurité des Français. Voilà ce qui est en cause. Je sais bien que tout ceci est douloureux, change les habitudes et provoque des inquiétudes, mais les réformes nécessaires il faut les faire, il faut les faire tout de suite et ne pas les laisser aux autres et c’est comme cela que vous aurez les meilleures conditions pour faire votre travail. De même que les membres du Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire qui achèvent dans quelques jours leur mandat et je tiens à les remercier. Qu’il s’agisse de la rémunération, de la mobilité, ou de la reconversion, ils ont émis des avis précieux pour orienter les réformes. En 4 ans, cette nouvelle instance a trouvé toute sa place et je ne doute pas que les nouveaux membres, que je nommerai prochainement, contribueront à la réflexion sur la condition militaire avec la même hauteur de vue. L’année qui s’achève livre donc les premiers résultats de la politique que j’avais annoncée le 17 juin 2008 en présentant le Livre Blanc. Et je sais pouvoir compter sur vous pour poursuivre dans le même élan les efforts que nous avons entamés. Comment évoquer l’avenir de notre Défense sans l’ancrer à son passé ? C’est pourquoi j’ai tenu à associer les soldats d’hier aux armées d’aujourd’hui. Je remercie les Anciens combattants qui sont présents parmi nous. Ils ont défendu, les armes à la main, les valeurs de notre pays qu’aujourd’hui vous continuez à faire vivre. 4/4 Nous allons commémorer cette année le 70e anniversaire de juin 1940 et de l’appel du 18 juin, cher Yves GUENA, date fondatrice de notre histoire récente, date emblématique de cet esprit de défense qui refuse le déclin et la défaite, date qui nous rappelle combien la volonté politique peut modifier les choses. Je sais qu’avec Hubert FALCO, vous travaillez très bien à la réussite de ces commémorations. Je sais également que vous réfléchissez à la modernisation de votre action, ainsi qu’à la pérennité de vos fondations et de vos associations. Je vous encourage à poursuivre cet effort, car il en va de nos valeurs les plus profondes : l’honneur, le patriotisme, la discipline et la fraternité. Pour les transmettre aux jeunes générations, il faut trouver les mots, les images, les formes les plus propices au partage. Je pense à l’Europe. Comment faire comprendre à des enfants nés au 21e siècle la victoire extraordinaire que représente l’amitié franco-allemande, cette rémission de déchirements centenaires, cette capacité de résilience d’une Europe qui délivre ainsi au monde le plus beau des messages, celui de la réconciliation. Les cérémonies du 11 novembre en ont témoigné cette année, il faut faire partager à toutes les générations une vision du passé qui éclaire le sens du monde que nous construisons. Le devoir de mémoire n’est pas un dogme vénéré à dates fixes, dans l’aveuglement de ce qui relie hier à aujourd’hui, de ce qui rattache le jour banal au jour célébré. C’est la fervente obligation de transmettre le sens de la continuité aux nouvelles générations. A vous chers anciens combattants qui avez été présents à chaque tournant de notre histoire pour porter l’honneur de la France, à vous qui n’avez jamais baissé les bras au plus fort de la bataille, à vous qui, en rentrant chez vous, avez dû raconter la mort de vos camarades et les horreurs des combats, c’est à vous que je confie aujourd’hui, une fois encore, une responsabilité au service de notre pays : celle de mettre en commun vos forces en regroupant vos associations, vos moyens, vos idées, pour servir au mieux la mémoire de notre pays et partager l’esprit de défense. Au-delà de la relève des troupes et des générations, au-delà des missions ponctuelles et de l’engagement quotidien, nos armées constituent le socle de ce qui fait la France, une certaine forme de permanence jamais prise en défaut d’évolution. En cette nouvelle année, en compagnie d’Hervé MORIN et d’Hubert FALCO, je vous réaffirme ma reconnaissance, la gratitude des Français. Je souhaite à chacun de vous, comme à vos familles, l’accomplissement de vos projets professionnels et bien sûr personnels. Je vous souhaite également de poursuivre votre action au service de notre pays, avec une égale détermination, avec le même enthousiasme, car sans enthousiasme on ne fait rien avec la même fierté, cette fierté que j’éprouve à commander des femmes et des hommes tels que vous. Vive la France et vive la République.