Inquiétudes sur l'outil militaire de la France

« L’effort de défense se trouve à un point historiquement bas partout en Europe. Même en France, la Défense ne représente plus que 10% du budget et 1.56% du PIB. Des coupes, mêmes radicales, ne seront pas en mesure de résoudre la difficile équation budgétaire. Elles pourraient en revanche déstabiliser un outil militaire qui sort d’une décennie de réformes et d’engagements exigeants. Comment alors l’Europe - et la France - peuvent-elles dès lors répondre au défi de la crédibilité militaire et stratégique ? ». Faut il que la situation soit grave pour que le journal le Monde publie en première page de son édition Géo&politique du 10 décembre le billet de Camille Grand (directeur de la Fondation pour la recherche stratégique) dont je viens d’extraire une citation et dont j’approuve totalement le fond.

Depuis des décennies il existe une ère occidentale, considérée aux plans politique, stratégique et économique, inspirée essentiellement par les Etats-Unis, superpuissance démocratique et alliée traditionnelle de la France. La Chine, déjà deuxième puissance économique mondiale, a l’ambition d’y mettre fin, c’est en tout cas mon sentiment fondé sur les indicateurs de puissance à la disposition de tous et le contact in situ. La paix est soit un subtil équilibre de forces entre les nations soit une hégémonie d’un empire qui se veut unique. Je préfère la perspective de la première option. La France a sa place et son rang à tenir dans cet équilibre général des forces. Il faut aussi qu’elle dispose de moyens classiques d’action, vecteurs de la volonté politique. J’insiste parmi ceux-ci sur les forces terrestres que certains voudraient voir encore amputer de moyens humains et matériels. La matérialisation de la volonté politique passe toujours par la projection de forces terrestres que ce soit à l’extérieur, en cas de crise internationale, ou sur le territoire national, en cas de difficultés majeures aux origines multiples prévisibles ou non.

Il ne faut pas se tromper, les orientations prises cette année vont préfigurer la position de la France pour une ou deux décennies. A ceux qui sont en mesure de participer à la décision je souhaite leur demander de lever la tête, de ne pas imaginer une France avec une « ligne Maginot forcément incomplète », dangereusement repliée sur elle-même. Il leur faut considérer les menaces potentielles, ou déjà réelles, de pays et groupes de pays qui n’ont strictement rien de démocratique et iront à l’épreuve de force au travers de stratégies indirectes voire directes.

Le repos n’est pas au bout du chemin pour les générations à venir ! Imaginer ou faire croire à un tel but serait d’une basse politique et je veux croire que nombreux seront les décideurs de notre pays à ne pas tomber dans ce piège. La volonté, l’effort dans la durée, le courage, l’abnégation sans doute, autant de vertus à reconsidérer au plan national.

Avertissements plus que vœux en ce début d’année ? Certainement ! Nous avons tous un rôle à jouer dès qu’il s’agit de la France. Il sera modeste, discret, très souvent, mais qu’importe pourvu que les bras ne se lèvent pas en forme d’impuissance résignée. Notre communauté Saint-Cyrienne doit se sentir mobilisée y compris sur les sujets majeurs. A défaut de pouvoir vous proposer autre chose « agissons dans l’esprit », mais agissons comme nous le pouvons, selon nos générations et nos positions. Il y a des combats que l’on se doit de mener, même si on est loin d’être certain de les gagner.

Dans la joie et la bonne humeur, néanmoins, acceptez chers lecteurs tous les vœux du Conseil d’administration et mes amitiés Saint-Cyrienne.

Général de corps d'armée (2S) Dominique DELORT

Promotion “ Lt-colonel Brunet de Sairigné ” (67-69) - Président de la Saint-Cyrienne