Les services de renseignement en ont pris conscience lors du huitième raid - fin juin - lorsque ils ont intercepté les communications des militaires libyens qui juraient contre "ces chiens de Français". Pour la première fois, les Libyens enrageaient vraiment de prendre des coups très durs, qui les démoralisaient. L'effet militaire des frappes du Groupe aéromobile (GAM) de l'aviation légère de l'armée de terre (Alat) a également été psychologique, brisant peu à peu la volonté de combattre des troupes ennemies. C'est ce qu'on appelle produire un effet stratégique.
La nécessité d'engager les hélicoptères a été très vite estimé indispensable par l'état-major des armées, au vu de la géographie de la Libye, un pays dont toute l'activité se concentre sur le rivage. Le GAM pouvait donc être déployé à bord d'un BPC (Bâtiment de projection et de commandement) - qui trouve là sa véritable vocation de combat - et ce, d'autant plus que la France en possédant deux (Tonnerre et Mistral), il était possible d'assurer des relèves. Ce qui a été fait en 24 heures - et le sera de nouveau la semaine prochaine.
Cette action "aéroterrestre" à partir de la mer a été appuyée en permanence par des moyens navals. L'artillerie (100 mm et 76 mm) des frégates appuyait lesraids d'hélicoptères en détruisant les menaces sol-air ennemies lorsque'elles se démasquaient. Pour ce faire, les frégates ont dû s'approcher très près des côtes parfois à moins de dix kilomètres. C'est au cours de ces actions que l'essentiel des feux de l'artillerie (3000 obus) ont été employés.
Cette action combinée est une première militaire française : jamais de tels raids d'hélicoptères n'avaient été conduits à partir de la mer et avec un soutien d'artillerie navale. Les armées ont montré dans cette affaire à la fois une grande maîtrise technique et un caractère guerrier. Cela laissera des traces.
Les raids se composaient d'une dizaine d'hélicoptères (Gazelle, Tigre et Puma) et ils étaient commandés depuis un PC volant. Un Puma embarquait systématiquement une équipe de commandos de l'air (CPA 30) pour aller récupérer immédiatement les équipages qui auraient été abattus. Alors qu'au début de l'opération, certains estimaient que chaque raid se traduirait sans doute par la perte d'un hélicoptère, tous sont rentrés. Aucun personnel n'a même été blessé.
Le défense libyenne n'est pourtant pas restée inerte. Très bien camouflée, les forces pro-Kadhafi ont riposté vivement avec des missiles portables SA-7 ou des canons de 23 mm ou de 14,5 mm. Les hélicoptères français ne sont intervenus que par nuit noire et en volant à très très basse altitude. Des années d'entraînement au vol tactique ont ainsi été mises à profit au grand dam des troupes de Kadhafi .
Les forces pro-Kadhafi ont été harcelées de manière impitoyable, comme en témoigne le nombre de munitions utilisées à chaque raid : une quinzaine de missiles HOT, environ 150 roquettes et autant d'obus de 30 mm. Les raids n'étaient pas des hit and run (tire et part) mais des actions dans la durée puisque la proximité du BPC permettait aux hélicoptères d'aller se ravitailler et de revenir plusieurs fois...
Si les hommes et le matériel ont donné pleine satisfaction, les militaires engagés dans ces opérations ont toutefois regretté l'absence d'un drone MALE qui leur aurait fourni un renseignement constant sur la zone.
L'action des Français a été très différente de celles de leurs homologues de la British Army. Ceux-ci avaient déployé quatre Apache sur un porte-hélicoptères, mais semblent ne jamais en avoir engagé plus de deux simultanément. Les Apache "travaillaient" comme des avions de combat, tirant leur missiles Hellfire sur des objectifs programmés depuis une altitude élevée. Rien à voir avec "ces chiens de Français"...
Source : Jean Dominique Merchet - Secret Défense